Synchronisation et choix des aiguilles, méthode de simanco33

Une camarade du forum m'a demandé si j'avais une méthode pour synchroniser les très anciennes machines à coudre en fonte et pour choisir les aiguilles…

Comme la réponse était longue en MP, je me suis permis d'ouvrir une page sur ce sujet.

C'est une méthode empirique plus ou moins personnelle dans ma façon de procéder que je montre ici. Je pense que je n'utilise là que de la logique fonctionnelle.

Je fais souvent mes réglages sans les notices. Souvent elles m'arrivent plus tard. Souvent elles n'indiquent pas clairement la manœuvre.

Quelle est ma méthode ? En premier je regarde s'il y a sur la tige d'aiguille des marques bien nettes  (non des rayures). Si c'est le cas, je sais que je pourrai déterminer la longueur d'aiguille. Je choisis une aiguille avec un diamètre de talon correct (fin, moyen, gros). Je passe un fil de 5 cm dans le chas. La bonne longueur d'aiguille sera déterminée quand le fil sera à fleur de la plaque d'aiguille et le repère de la tige d'aiguille au raz d'une partie du châssis. Ce sont dans ce cas des aiguilles qui ne sont pas en butée et qu'il faut régler à chaque montage.

Par exemple ici pour la Tschiemer :


La longueur d'aiguille étant déterminée, il faut vérifier ou resynchroniser la pointe de la navette avec le chas de l'aiguille. Sur d'autres types de machines, ce sera le "crochet".

Il faut que la pointe de la navette affleure environ 2 mm au dessus du chas.

Sur une machine moderne on sait être  plus précis. Il est dit 1,2 mm. Sur ces machines anciennes qui ont cumulé des jeux fonctionnels, on est souvent plus près des 2 mm, voir 3 mm. Par le fait, la synchronisation sera correcte quand la boucle de fil sera bien accrochée au passage de la navette.
Il faut parfois faire des essais à différentes vitesses. Avec de l'expérience, au jugé à partir du niveau d'usure de l'ensemble, on arrive rapidement a déterminer la synchronisation optimum.

Pour choisir l'aiguille, si je n'ai pas d'informations sur la machine que je règle, je consulte mon tableau Excel personnel qui reprend toutes les dimensions d'aiguilles que je possède. On retrouve souvent le même type d'aiguilles qui auront déjà été choisies sur des machines similaires. Si c'est un modèle rare par exemple Willcox ou Singer 46K, on cherche et on commande, parfois à l'étranger.

Ici pour la Tschiemer des 135x17 : talon rond, diamètre 1,8 (moyen donc) et longueur 43,5 (j'avais vu tout de suite lors du premier réglage : "là il va falloir des 44mm !")


Pour l'Abeille Hurtu, préparée dernièrement, dès que j'ai frotté un peu la rouille de la tige d'aiguille j'ai trouvé la marque "qui va bien"!

Cela a permis de déterminer un type d'aiguille, là pour mes essais, des 130x3 (o, 1,75, 33,9). Il faudra plus tard déterminer quelles sont les aiguilles qui sont préconisées d'origine et se les procurer, parfois à prix d'or car elles seront rares!

J'ai pu ensuite vérifier la synchronisation (s'il avait fallu la régler de nouveau,  il aurait fallu jouer sur les vis qui fixent la transmission du mouvement sous la machine).

On voit bien ici que la pointe de navette passe à, au moins, 3 mm du haut du chas. La machine coud très bien ainsi réglée, à la fois la vitesse de la manivelle et également celle plus rapide du pédalier (voir la vidéo de ma page)

Pareil sur la Thabourin, il y avait une marque sur la tige d'aiguille pour déterminer l'aiguille. Là c'était du gros : talon rond de 2 mm et plus long que 44mm. Sur mon tableau j'ai vu que j'avais des 29x3 (celles de ma Singer 29K). Les dimensions exactes sont : o, 1,95 mm, 45,32 mm)

J'ai pu donc synchroniser la machine que j'avais complètement démontée.

Dans ce cas le réglage se fait par le berceau de navette fixé sur la glissière.

Sur ma machine de voyage (certains diraient jouet) Bremer Bruckmann, qui coud au point chainette, il y avait deux marque : une pour déterminer la longueur d'aiguille ("1" à "3"), une pour synchroniser le crochet ("2").



Sur ma "New England" pas de marque mais une grande bataille pour déterminer une aiguille qui fonctionne (problème de longueur de pointe après le chas)

J'ai du tailler à la Dremel une 29x3 pointe longue à 39mm pour pouvoir faire mes essais.

Plus tard, une bonne âme du "91" m'a envoyé une aiguille "d'origine" donc les dimensions sont : o, 2 mm, 40 mm, 3 mm de pointe après le chas). Je n'ai pas la dénomination exacte de cette aiguille.

(Je remercie encore VAL91 de me l'avoir procurée)

Sur mon Excelsior "C", qui est une rotative centenaire, on trouve déjà les deux marques de tige d'aiguille que l'on va retrouver dans les machines modernes

Celle du haut est à fleur du châssis au point mort bas du cycle.

Celle du bas se met à fleur pour la synchronisation du crochet.

Cette rotative utilise des aiguilles 287 qui sont maintenant remplacées par des 287 WH (o, 1,4 mm, 37,8 mm)

Sur la Hurtu M2 "Moderne" il faut des aiguilles qui sont souvent utilisées sur ces machines anciennes : des 1014B (o, 1,4 mm, 43,7)… à l'usage, au premier coud d'œil, si je me dis "des moyennes de 44"  je pense tout de suite aux 1014B. Je m'en suis commandé plusieurs, on en trouve sur eBay ou Aliex.



Là, en bas, la synchro d'une antique Singer VS (135x17 : o, 1,8, 43,5)

Pour le réglage des Synchros il faut étudier au cas par cas selon les machines. C'est souvent un excentrique au niveau de la tringlerie du bas mais on peut aussi trouver des bizarreries.

Un conseil aux nouveaux collectionneurs : si vous avez des doutes, vous envoyez sur le forum une photo du bas de machine et quelqu'un saura bien vous renseigner…

Voilà donc ces quelques photos pour répondre plus complètement à la question qui m'avait été posée. Rien de très révolutionnaire. Cela reste pour moi un agréable travail d'amateur de vielles fontes. D'autres personnes, surement plus éclairées, pourront, s'ils elles le souhaitent rajouter d'autres photos et relater leur expérience et donner des conseils.

Merci beaucoup pour vos explications détaillées que je vais essayer de mettre en pratique , j'étais butée avec la règle de 1,2 mm

J'ai eu le privilège, il y a peu, de mettre en fonction la Reimann de "Parisienne" (notre amis collectionneur du forum).

Cette prise en main est relatée ici :

https://lamachineacoudre.forumactif.org/t6828-reimann-decouverte-d-une-nouvelle-parisienne-de-collection#94052

Dans ce cas aussi la marque sur la tige d'aiguille a permis de définir l'aiguille, des 1014B.


Le curieux crochet "double" bien synchronisé aura permis ainsi  de coudre quelques points.


(L'ouvrage a été tourné pour la photo. La machine coud bien d'avant vers l'arrière)



Une autre machine prestigieuse de "Parisienne" que j'ai eu le plaisir de faire fonctionner, la Grover & Baker mod 15 de 1858.


https://lamachineacoudre.forumactif.org/t6956-grover-baker-mod-15-de-1858-mise-en-fonction-par-simanco33

Désignée comme la première machine à coudre portable par le site "Fiddlebase"...


Cette machine très particulière montre toutes ses entrailles si on soulève "le capot"...


Cela permet de faire l'entretien et surtout de procéder au complexe enfilage qui permet d'obtenir le point "Grover & Baker".

C'est un point "double chaînette" qui est réputé plus élastique et plus solide au "désenfilage". La chaînette double est visible en bas de l'ouvrage, dessus c'est visuellement un point droit "classique".

Ceci est possible grâce au "crochet/aiguille" qui est enfilé du fil de sa propre bobine de fil inférieure et qui agit comme un crochet sur le fil de la bobine supérieure. Cette machine fonctionne avec deux bobines de fil "normales" (à la bonne dimension, ofc)


La machine est synchronisée si le "crochet/aiguille" prend bien la boucle du fil supérieur


Autre particularité de cette machine (outre le fait qu'elle est plaquée argent) des aiguilles courbes introuvables!

J'avais noté sur sa présentation :

"Comme plan "B" et comme les aiguilles d'origine sont "introuvables", j'avais préparé une aiguille de 29x3, les seules en ma possession qui aient une longueur entre pointe et chas de 5 mm, nécessaire sur cette machine. Il aurait fallu ensuite affiner le talon pour obtenir 1,5 mm tout le long et retailler à environ 33 mm, puis la recuire plusieurs fois avec refroidissement dans le sable pour pouvoir la courber. Contrairement aux aiguilles courbes de surjeteuse, le chas est percé dans la partie courbe et non bombée… enfin, ce n'aurait pas été une mince affaire!"

Je n'ai pas eu à le faire car :

"Pendant le tournage du film aucune aiguille n'a souffert… et c'est tant mieux car c'est là, assurément, un objet rare!"

J'ai retrouvé ce problème de synchronisation "décalé" sur une autre machine antique*, une "La Canadienne" Vigneron (clone de "Household Raymond").

Simanco33 a écrit:

1 pointe de l'aiguille
2 partie supérieure du chas d'aiguille
3 pointe de la navette à 2 mm du chas d'aiguille
4 réglage retenu à l'usage, 2 mm au dessus du précédent réglage, soit 4 mm du chas d'aiguille

La solution pérenne serait de : soit trouver une aiguille d'origine avec un talon plus long de 2 mm, soit marquer la tige d'aiguille pour régler les aiguilles du moment avec le chas à fleur de la plaque d'aiguille comme cela se fait sur beaucoup de centenaires en fonte (des antiques). C'est ce que je vais faire...

Ce réglage "anormal"  se retrouve sur beaucoup de mes centenaires et est du, je pense, à l'usure des machines et aux jeux trop importants générés.

* Cette définition trouvée sur internet de "antique" pour l'instant me va...