Reimann, découverte d'une nouvelle Parisienne de collection.

Parisienne a sauvé pour notre patrimoine, après de longues tractations, une vénérable française qui allait partir pour "l'export"!

Lachenaude a assuré le transport et a la garde momentanée de la machine. C'est chez lui et avec sa participation que l'essai et la découverte des fonctionnalités de cette machine ont été faites.

Un fauve justement nous assistait et montait la garde. Plus question que cette machine traverse le Rhin sans qu'il y ait affrontement dans une âpre bataille!

Je me suis rendu sur les lieux pour avoir le plaisir de l'étudier de près et voir si elle pouvait, telle quelle, nous coudre quelque points. J'avais demandé ce privilège à Parisienne suite à mon post qui évoquait la méthode pour remettre en fonction les fonte ancienne. J'avais là une belle mise en pratique avec une rare et très intéressante machine dont nous avons vu, il y a peu sur le forum, un exemplaire dans le Musée Imca.

A première vue d'ensemble, elle a l'air complète. Elle n'est pas bloquée. Elle a du être rangée ainsi depuis longtemps et ne semble pas avoir cousu dernièrement. Elle n'a pas d'huile et toutes les pièces frottent un peu. Nous allons juste  l'étudier aujourd'hui sans rien démonter... juste huiler un peu et faire jouer légèrement les pièces entre elles.


Nous faisons le tour de la machine...

Là, un mécanisme très curieux avec un secteur d'engrenage qui permet au mouvement rotatif du volant de se transformer en mouvement alternatif.

Le volant a subit un choc mais la gouttière de courroie est fonctionnelle. Les deux vis permettront surement de régler la synchronisation à moins que dessous…

Comme souvent sur ces machines "faites sur le genou", toutes les pièces sont frappées à froid pour pouvoir reconstituer chaque machine avec sa pièce ajustée.


Bien, un boîtier de porte canette avec son ressort de retenue sur le côté. A l'intérieur un porte canette avec sa canette en cuivre (il y en a une dizaine dans le tiroir de la table).


Au fond du porte canette un ressort "en étoile". Nous verrons plus tard que le ressort est "avachi" et que même légèrement et prudemment redressé il ne pousse pas suffisamment la canette sur le couvercle de porte canette.

Cela semble être là le seul système de tension de fil de canette. La solution aura été de momentanément intercaler un disque entre le ressort et la canette… il faudra réparer ou remplacer le ressort "à étoile" (à noter, plusieurs pièces de monnaie trouées d'époque, ainsi que quelques disques de feuillard semblent, depuis longtemps, répondre à ce problème… une solution d'utilisateur(trise) non mécanicien mais pragmatique).

Il faudra pour régler cette tension bien définir au départ la position de la pièce du porte couvercle à l'aide des deux vis accessible par le bas.

Il faudra pour faciliter cela rendre démontable la longue glissière qui couvre tout le bras libre.

Ici, la vis qui permettra de libérer la longue plaque

Cette longue plaque montée en queue d'aronde sur toute la longueur est actuellement bloquée. Nous avons mis du WD40 pour qu'il agisse le temps que le nouveau propriétaire prenne en compte la machine.

Le pied de biche était posé (depuis longtemps) sur une pièce vissée sur le bras libre qui est en fait un guide de couture. Il doit normalement se situer plus en retrait.

On voit sur le flanc le long ressort droit qui rabat le porte pied de biche qui fait office de système d'entrainement (il n'y a pas de griffes d'entrainement sous l'ouvrage).

On ne voit pas, pour l'instant, de long ressort à spirales qui permettrait au pied de se soulever et de se rabattre pour entrainer le tissu comme sur les Hurtu ou autres Berthier de cette époque.

Ici le solide réglage de la longueur de point avec vis et manette contre-écrou.

L'élégant porte fil fait office de bloc de tension. Il a bien fonctionné et s'avère précis. Il y a plusieurs de ces jolies bobines en bois (en buis?) dans le tiroir d'accessoires.


Parfait, voici ici la rainure de la barre d'aiguille qui va permettre de définir la position et la longueur l'aiguille.
(Rainure au niveau du bâti,  le chas de l'aiguille doit être au raz de la plaque d'aiguille)


Cela semble être des aiguilles de 44 mm, la saignée de l'aiguille a l'air de taille moyenne… Ce seront donc des 1014B (o / 1,4 / 43,7 ) courantes sur ce type de machines anciennes.

L'aiguille déterminée et serrée à la bonne hauteur (pas de butée d'aiguille sur ces machines anciennes) nous pouvons vérifier la synchronisation. Ici le crochet passe à deux bons millimètres de haut du chas d'aiguille. C'est correct. L'aiguille se monte longue rainure vers l'extérieur dans le sens de la longueur de machine.

Il est a noter, sur cette machine, le curieux crochet "double" qui accroche une deuxième fois le fil attrapé par la première pointe de crochet, lui fait faire une demi rotation et le relâche au bout de sa course à gauche sur la photo. Le fil tiré ensuite par la barre d'aiguille disparaît par le trou de plaque et remonte pour un nouveau cycle. Entre temps il aura emporté avec lui le fil de la canette lorsqu'il aura fait le tour complet de celle-ci.



L'enfilage est très simple et intuitif… il suffit pour cela de comprendre que le fil doit passer par l'orifice du haut de barre d'aiguille. Là, cet orifice était bouché mais avec une aiguille et un peu de souffle il a repris fonction.

Puis, après toutes ces vérifications et la confection d'une courroie en cuir neuve, la machine a cousu, d'avant en arrière bien sur.

(Sur la photo l'ouvrage a été mis dans le sens de la longueur  pour mieux visualiser le point.)


Le point est beau et régulier (une vidéo tremblotante a été filmée mais elle est inexploitable sur You tube)… cependant, pour que le point se fasse régulièrement, il aura fallu aider le pied d'entrainement en tirant un peu l'ouvrage en arrière. La barre de pied de biche semblait être en partie bloquée verticalement et ne remontait pas assez pour "enjamber" et tirer l'ouvrage convenablement.

Le problème provient du fait que le gros ressort que nos n'avions pas trouvé lors de notre tour de machine s'avère être, dans le cas de cette machine, un ressort enroulé dans le cylindre situé sous le nez de l'utilisateur.

Il aura fallu nettoyer plus tard la pièce en surface pour bien voir les spires.  On comprend que ce ressort doit se tendre comme un ressort de pendule : une première vis débloque l'axe et un carré de manœuvre permet d'enrouler et tendre le ressort et si on compare avec les réparations des pendules remonter un ressort neuf.

Une consultation du manuel d'époque permet de vérifier ce curieux montage.

Actuellement ce ressort ne fait pas suffisamment son travail car il doit être encrassé et bloqué par l'a graisse figée. La position relevée longtemps posé sur le guide de couture a du le figer en position tendue. Comme il joue un peu on peut espérer qu'il n'est pas cassé.  Il faudra être très prudent pour le remettre en état, surtout si on envisage un démontage complet.

Actuellement il est imprégné de WD 40. Cela suffira peut-être pour le libérer et faire que le pied d'entrainement retrouve toute sa fonctionnalité.

Cette expérience de mise en fonction fut pour nous un réel plaisir tant est jubilatoire le premier contact avec une machine originale si ancienne. Parisienne nous a offert ce privilège pour sa belle machine et a accepté que je le relate sur le forum.

Il va bientôt récupérer son bien. Ce sera  à son tour de trouver plaisir à finaliser la remise à hauteur de cette magnifique et originale production française.

Merci pour la qualité de ce compte-rendu et surtout de nous faire partager cette émotion devant une si belle machine!

Merci à Parisienne de l'avoir sauvée et à Simanco de nous l'avoir si finement et joliment présentée ! (Lire tes compte-rendus est toujours aussi plaisant !).
Et merci à Lachenaude et au "fauve" d'avoir fait le gardiennage !

Sur le col de machine de la première présentée en 2019 par Champ954 (lien cité par Sewing juste au-dessus) on peut lire : "J. Reimann" alors que sur celle de Parisienne il est noté "J.A.R. Reimann" (même famille mais pas le même "bonhomme" ou successeur/repreneur ?), toutes deux "brevetées S.G.D.G" mais avec deux adresses différentes à Paris.

Pour quelle utilisation étaient employées ces machines ? (sûrement pas pour coudre de la dentelle !   )
Sur une table assez grande, on peut supposer qu'elles assemblaient de grandes pièces "costaudes" ?

(Nota : le lien cité dans le post de Champ pour le "jeu des différences" n'est plus valable, la page n'existe plus apparemment)

la question sur des infos sur Reimann est restée sans réponse depuis 4 ans.
https://lamachineacoudre.forumactif.org/t897-avez-vous-des-informations-sur-les-machines-j-reimann?highlight=reimann

Oui, c'est pour cela que je relance la question, au cas où quelqu'un aurait eu des infos depuis ...

Quelq'un pourra peut être situer l'atelier et la fonderie Reimann, en dehors du magasin (42 rue de Bondy Paris)..

On en prend encore plein les yeux , merci a vous pour ce moment de partage .

Merci Simanco pour ce reportage bien léché .
On retrouve là ta patte caractéristique .
Efficacité ,précision,sobriété et quelques bons mots pour rendre le propos encore plus agréable.
Je sais que tu t'es fait plaisir et je suis ravi de t'avoir donné cette occasion .
J'espère pouvoir te donner d'autres défis pour élargir ton expérience
Une machine de gantier avec son minuscule pilier ,une Journaux avec son fameux crochet à 2 fils ?
Et pourquoi pas le mythique boucleur inventé par Grover et Baker ?
Je connais un point de ralliement sympa dans le 47 .On est tous les deux à égale distance
Oui l'histoire de Reimann n'est pas simple .
Cette machine se rencontre sous pleins de noms
Distributeurs ,constructeurs ....
REIMANN
J A REIMANN
REIMANN par BRION
CONGS
DAHMEN
FOURRE

et très récemment ,BRAUN dont le pedigrée m'a été expliqué et qui m'a fait cogiter sur les appellations de "constructeur" et "Breveté SGDG" .
2 éléments souvent incohèrents mais sur lesquels j'entrevois peut étre une explication .
Bref une histoire compliquée qu'un article du regretté site Needlebar avait pourtant bien documenté .
Si Mr Fekkes lit ce post ,qu'il n'hésite pas à nous partager son document ,fruit d'une longue recherche et très riche d'enseignement .
Un grand merci aussi à Lachenaude ,éternellement serviable qui me la garde au chaud encore quelques semaines .
Il me tarde de la récupérer pour la bichonner .
La quille est pour fin Novembre donc vent favorable mais il y en a une centaine qui attend aussi .
L'arbitrage sera difficile .

Que dire.... Voilà encore un grand sac de noeuds à mettre au clair....  Et certainement de grandes révélations non connues peuvent apparaitre une fois de plus .

De ce côté, nous te laisserons écrire Parisienne, je suis le sujet

Sewing38300 a écrit:Quelq'un pourra peut être situer l'atelier et la fonderie Reimann, en dehors du magasin (42 rue de Bondy Paris)..

A cette question , je vais te reprendre de volée sur le post ci dessous demain matin ( soupe oblige)...N'oublie pas, je sais que tu ne regardes que les photos, elles seront présentes

https://lamachineacoudre.forumactif.org/t640-h-vigneron-1868-type-charles-raymond

Toutes mes excusessss  pour cette (.....) dans le sujet

super : ça fait 3 ans qu'on attend des informations sur le revendeur Reimann et surtout, qui était son fournisseur/fabricant.
Et comme d'hab', Monsieur Pascal Le Dob qui me suit comme son ombre, me cite une nouvelle fois. Je suis vacciné.

On trouve effectivement cette machine sous le nom du revendeur JB Braun à Argenton.

Effectivement
Revendeur mais pas constructeur de cette machine
Sur la Reimann ,on retrouve les termes "constructeur" et "Breveté SGDG"
La première analyse serait d'imaginer par exemple que Dahmen ou Fourre et si on lit la plaque,seraient constructeurs de la Reimann et pourquoi pas auraient déposé un Brevet dessus
C'est ce que j'ai cru ,en allant voir la Braun ,impatient de savoir quelle subtilité il avait breveté sur une machine de type Reimann .
Et bien rien du tout .Il était simple revendeur.Il avait probablement obtenu le droit d'apposer son nom comme nombre de distributeurs ,ayant le privilège de rebadger des machines s'ils en commercialisaient suffisamment .
Mais sur la plaque ,Braun est constructeur .
Oui ,constructeur comme on aurait dit pharmacien ou medecin .
Il était constructeur d'autre chose mais pas de cette machine.
Oui mais alors que dire du Breveté SGDG ?
Le design original Reimann etait breveté .
En résumé
BRAUN est un constructeur distribuant de la Reimann qui est une machine Brevetée ( mais pas par lui)

peut être une pièce montée sur cette machine, différente de celle du fabricant.

Je les ai regardées de près et j'ai rien vu de particulier.
La conservatrice du musée m'a bien affirmé qu'il n'était que distributeur de la Reimann .
En revanche ,il etait constructeur d'une autre machine ,conçue pour réaliser les plis de chemise ,très nombreux dans la mode de fin 19 eme ,appelée la Supérieure .